Jour 9 : Retour au camp de base
Je ne sais pas
quelle température il a pu faire cette nuit. Ce que je sais, c'est que,
malgré un thermolactile, deux polaires, une cagoule, un bonnet, j'ai eu
froid. Rêve polaire, au milieu de la nuit je m'aperçois qu'une
pellicule de givre recouvre tout l'intérieur de la tente, comme dans un
igloo. Tony a mieux dormi que moi. Il le doit peut-être au Diamox, une
pastille qui augmente la capacité respiratoire et qu'il a prise en
prévention avant de s'endormir.
Stéphane a souffert de maux de tête durant toute la nuit. Il a aussi vomit,
signe que l'œdème pulmonaire n'est pas loin. Il faut
redescendre sans tarder. Tony l'accompagne pendant que Pierre-Yves et moi
préparons nos tentes à supporter d'autres tempêtes, voire d'autres maux,
plus sournois. Ces derniers temps, des vols ont été commis dans les tentes
du Nido del Condor par d'irresponsables crétins. Irresponsables, car de
tels méfaits peuvent non seulement ruiner une expédition mais aussi
condamner à mort. Une idée me glace le sang. Je m'imagine revenir du sommet
dans la tempête, épuisé, retrouver ma tente enfin et constater que je n'ai
plus de sac de couchage pour me réchauffer, d'eau pour me désaltérer, de
nourriture pour me refaire une santé, sans penser qu'une tempête peut
facilement durer plusieurs jours à ces altitudes...
La descente se fait à grandes enjambées, dans de la caillasse, si bien que
nous perdons rapidement de l'altitude. Nous rejoignons Tony et Stéphane,
qui se sent beaucoup mieux, avant de retrouver le camp de base. Je prépare
une bonne minestrone et Bruno achève de remonter le moral des troupes en
proposant un tournoi de ping-pong à l'hôtel.
A l'hôtel, nous retrouvons Antonio Carel, le guide italien. Il nous reçoit
chaleureusement et nous présente ses trois poulains: Fabio Meraldi
la légende, Bruno Brunod le champion du monde et Jean Pellissier l'étoile
montante du ski alpinisme. Nous passons ainsi une bonne partie de
l'après-midi en compagnie de ces champions, venus ici pour tenter de battre
le record d'ascension de l'Aconcagua (4h36). L'interview se
déroule en Italien, je ne comprends pas tout mais j'enregistre et Tony est
là pour faire l'interprète. Pour l'instant, la météo ne leur est pas
favorable. Jean, le plus jeune, voudrait y aller vaille que vaille, mais il
est freiné par la plus grande maturité de ses deux aînés. La raison du
stress: il ne leur reste plus que deux jours avant de rentrer en Italie.
Leur tentative paraît compromise, à moins qu'ils n'obtiennent
l'autorisation du sponsor de rester quelques jours de plus.
Nous n'avons pas pu en découdre au ping-pong, mais comme pour se racheter,
Bruno a fermé son resto et nous prépare des hamburgers. Comme la cerise sur
le gâteau, des poires Belle Hélène ajoute un point final à une
journée bien remplie.
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