Jour 4 : Marche d'acclimatation vers Plaza Francia
Jusqu'ici,
cette journée aura été la plus belle de toute. D'abord, parce
qu'aucun nuage n'a voilé le soleil tout au long de la journée et ensuite
parce que nous avons traversé des paysages extraordinaires.
Ce matin, nous sommes partis sans Tony qui a préféré économiser son mollet
encore fragile plutôt que de nous accompagner. Après le franchissement des
eaux brunes du torrent qui descend de Plaza Francia, le chemin serpente à
travers toute une gamme de rochers. Superposées en strates de différentes
couleurs, les montagnes qui nous entourent ressemblent à des
mille-feuilles. Côté végétation, seuls les lichens blancs qui bordent les
rares sources d'eau mettent un peu de vie dans le paysage. Dans cet aridité
ambiante, nous nous livrons au fil du parcours à de véritables séances
de géologies. Mais, comme aucun de nous ne possède de réelles
connaissances en la matière, la leçon de chose est plus souvent frustrante
qu'enrichissante. Heureusement, il nous reste la contemplation…
600 mètres plus haut, la pente diminue et laisse place à un vaste plateau
rose, vert, brun, parfois gris. Nous sommes à 4000 mètres
d'altitude et déjà, sur la gauche, la face sud de l'Aconcagua perce
de blanc un ciel sans tache. La moraine que nous longeons se transforme
maintenant en glacier, lacéré par d'impressionnantes crevasses. A mesure
que nous avançons, la face du géant se dévoile et nous ne nous arrêtons pas
avant de la voir dans sa plus complète nudité. Quelle est belle! Elle est noire
de roche, blanche de séracs, posée sur un plateau rouge, bordée de vert,
d'ocre, sous un ciel bleu. Cependant elle n'a pas l'air commode. Elle est
désirable mais n'inspire pas confiance. Aux jumelles, elle me fait penser à
une sorcière. De la terre mêlée à de la glace coule en cascade le long de
ses rochers noirs, comme la cire d'une bougie coule le long d'une
bouteille. La face n'est pas très enneigées et la roche noire fait encore
plus ressortir son côté lugubre.
Pas très engageante visuellement, elle l'est encore moins de réputation.
Le Français qui nous a rejoint sur notre mirador nous conte une partie de
son histoire. Il paraît que deux Brésiliens gisent encore morts au bout de
leur corde, l'un penché en avant, l'autre en arrière. Personne n'a pu les
décrocher de l'emprise de la montagne. Pas même l'hélicoptère de l'armée
qui s'est crashé en tentant de couper la corde, au moyen de ses pales.
Exagération ou non, c'est la deuxième fois que nous entendons cette
histoire.
Encore impressionnés de ces récits, nous descendons vers le camp pour
retrouver un Tony, ravi de nous voir, tant il aime la compagnie. Le soir,
après un bon risotto, nous irons encore boire quelques bières au poste de
contrôle du camp. Rien de tel pour bien dormir.
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