Au sommet des Ameriques (3)

 

Aconcagua, le plus haut sommet des Amériques (6962 mètres)

Expédition réalisée en bonne compagnie, entre janvier et février 2000.

Journal de bord, en 14 épisodes.

 

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Jour 3 : Marche d'approche jusqu'à Confluencia

La journée a commencé par la préparation des sacs. Il a fallu séparer le matériel que l'on portera sur le dos du matériel qui sera acheminé vers le camp de base à dos de mules. Résultat: chacun de nous portera 25 kg, ce qui correspond à trois jours d'autonomie et quatre mules se chargeront du reste, soit 160 kg. Elles rejoindront le camp de base dans trois jours.

La guérite des gardes parc marque l'entrée du Parc provincial de l'Aconcagua et le début de notre périple terrestre. Passage obligatoire, nous montrons nos permis d'ascension au garde chargé d'enregistrer notre passage. Il nous remet aussi un énorme sac poubelle qui devra contenir, au retour, nos quatre sacs poubelle individuels. Il nous prévient encore du montant de l'amende (200$) s'il nous venait à l'idée de brûler ou de planquer nos déchets.

Et la longue marche commence. Il fait chaud. Nous passons à côté de la lagune aperçue hier depuis les hauts de Puente del Inca, puis nous franchissons un pont suspendu avant de monter vers Confluencia, l'étape du jour. Le soleil est terrible. Il ne lui a pas fallu plus de deux heures pour me brûler le dos des mains, seules parties du corps négligées par l'écran total. Je transporte une douzaine d'œufs et, à chaque arrêt, je m'étonne de ne pas les retrouver en omelette. La salade de choux, elle, dégage une odeur étrange. Dois-je la garder, dois-je la virer? La question m'aura tarabusté jusqu'à l'arrivée. Après la montée, place à un long plat, puis une descente, un passage de rivière et, au détour d'une butte, dans un décor grandiose, Confluencia. Le camp est peu fréquenté, à peine une douzaine de tentes, parmi lesquelles celle des gardes parc, qui n'ont pas perdu le nord en l'aménageant en buvette. Et nous nous installons, à côté de la source d'eau, un peu à l'écart.

Si jusqu'à maintenant nous avions encore dans un coin de l'esprit la légère amertume de ne pas avoir opté pour la voie des Polonais, la route initialement prévue, la vision d'un mort-vivant nous a enlevé tout doute. Il est venu vers nous au ralenti avec la démarche chaloupée de ceux qui n'ont plus de forces dans les jambes. Il est passé devant nous en nous soutenant le regard et il a continué jusqu'à la source pour remplir sa gourde. Jusque-là rivés sur notre assiette de spaghetti, nous sommes tous restés béats d'inquiétude à la vue de zombie. A son retour je lui demande s'il a réussi le sommet et il me répond: "What do you think I've done!", l'air de dire "tu as vu la tête que j'ai!" En effet, un tel visage ne s'oublie pas! Entre le bleu et le violet, sa face gelée dévoilait des cratères de cloques explosées et son histoire nous a glacé d'effroi. Parti en solitaire dans le glacier des Polonais, il s'est retrouvé en fâcheuse posture. Les deux Suédois qui le précédaient sont venus l'aider. Cette manœuvre les a tous retardés si bien qu'ils sont parvenus au sommet dans la nuit. Avec la pénombre, la fatigue et le froid ils ont été contraints de passer la nuit à 6962 mètres, sans aucun matériel de bivouac. Il nous racontera pour terminer que, si le soleil n'était pas revenu le lendemain, il n'aurait pas pu nous donner la primeur de son histoire. Telle aura été l'aventure d'un Polonais dans la voie des... Polonais.

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